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8 février 2018

Non-dits, malentendus, hypocrisies sur le secteur ferroviaire français

Il y a souvent une différence entre le discours et l’opinion de celui qui s’exprime. Les paroles sont des actes qui sont déterminés par les effets que l’on attend en les prononçant. On dit ce que l’on pense seulement quand on croit pouvoir convaincre ses interlocuteurs et que l’on recherche une compréhension commune de la réalité pour que la coopération fonctionne.

Le secteur ferroviaire n’est pas propice à la franchise et à la transparence car les intérêts des acteurs sont fortement divergents. Le ferroviaire n’est pas un lieu de coopération mais de rapports de forces.

Les non-dits sur le secteur ferroviaire français tiennent largement à la disproportion des fonds publics affectés aux activités ferroviaires dont une partie de la production a peu de valeur économique et dont l’organisation est inefficace. J.C. Spinetta, ancien PDG d'AIR FRANCE, invité par le premier ministre à donner son avis sur la stratégie ferroviaire, dit qu’il avait été effaré de découvrir que le secteur absorbait chaque année 17Md€ de subventions publiques, 14Md€ si l’on met de côté le régime spécial des retraites.

Ceux dont les intérêts en jeu sont les plus forts sont les salariés de la SNCF; les cheminots ont un travail protégé et un emploi sûr alors que les vicissitudes économiques malmènent les ouvriers de nombreuses autres industries. Leur stratégie est la préservation des acquis qui est une revendication que beaucoup dans le public jugent légitime, comme peut l’être le droit à la propriété même quand les inégalités sont grandes.

La force des cheminots tient à leur capacité de nuisance, tout particulièrement en Ile de France où le quart des actifs utilise les services de la SNCF et où un autre quart utilise ceux de la RATP dont les personnels peuvent être solidaire de la SNCF pour défendre des droits qui réunissent les deux entreprises publiques. Les cheminots tiennent également leur puissance de leur unité qui n’a pas été cassée par la séparation entre SNCF Mobilités et SNCF Réseau. Il n’y a pas grande chose de commun entre un conducteur de train, un ouvrier  d’entretien des trains et un électricien des caténaires; pourtant, le corps social des cheminots reste soudé, grâce à un appareil syndical généreusement doté.

Les 3 000 permanents syndicaux de la SNCF peuvent aussi être identifiés à part car ils forment un groupe qui a ses intérêts propres qui ne se confondent pas avec ceux de l’ensemble des cheminots. La réforme du droit du travail devrait diviser par 2 le volume des décharges syndicales à moins qu’un accord d’entreprise permettent aux organisations syndicales de conserver davantage de postes. Les OS sont divisées et quatre d’entre elles représentent plus de 15% des salariés (CGT 34%, UNSA 24%, SUD 17%, CFDT 15%). Cet éclatement est propice à une stimulation concurrentielle pour apparaître comme le meilleur gardien des intérêts mais il peut aussi parfois conduire à de la surenchère démagogique.

Les OS contestataires, CGT et SUD, sont majoritaires. Elles tiennent un discours très cru et très violent quand elles s’adresse à leur base. Les tracts syndicaux facilement disponibles sur internet paraissent assez irréels quand on considère les conditions de travail qui prévalent à la SNCF. Ni leurs auteurs, ni leurs lecteurs ne penvent croire à ce qui est énnoncé; il s'agit d'une sorte de genre litteraire de l'absurde.

La stratégie d'opposition radicale de CGT et SUD est gagnante si l'on en juge par leur succès électoraux mais ne leur donne pas une domination absolue. Les OS réformistes, l’UNSA et la CFDT, avec  39% des voix, ne sont pas très loin derrière et leur score a progressé aux élections de 2015. L’UNSA participe à certaines mobilisations telles que la grève du 8 février 2018 mais ses publications font souvent la pédagogie des politiques de la SNCF sur un ton proche de celui de la direction.

Un autre acteur important est l’Etat  a la fois responsable des textes qui structurent le secteurs ferroviaire et source des subventions massives qui l'alimentent. L'Etat qui recherche l’efficacité de l’allocation de ses fonds aborde le ferroviaire comme l’un des secteurs dont la performance est sur ce plan la plus faible.  L’Etat est aussi soucieux de l’ordre public et à ce titre prêt à des concessions pour éviter les blocages dont menacent les OS de la SNCF.

Comme on peut distinguer les syndicats des salariés, il ne faut pas assimiler à l’Etat les élus et le gouvernement, qui le dirigent. L’intérêt d’être réélus peut conduire à des concessions dans la défense des intérêts de long terme de l’Etat. On peut aussi distinguer les dirigeants de la SNCF qui émanent de l’Etat mais développent également des intérêts propres parfois contraires à ceux du pays.

Il faut bien sûr aussi parler des clients que tous le monde prétend mettre au coeur du système. Le client du TGV qui supporte la totalité du coût des services qu’il utilise est dans la même  situation que les clients des autres activités commerciales; la volonté de le satisfaire pour qu’il daigne revenir suffit à motiver le transporteur à améliorer la qualité du service. Le client des services conventionnés, TER, Transilien et Intercités, a lui moins de poids sauf en Ile de France où, vu le nombre d’électeurs concernés, les élus qui dirigent l’autorité organisatrice qu’est Ile de France Mobilités sont attentifs à ses attentes et se font les défenseurs de ses intérêts.

Enfin, les élus locaux des villes moyennes qui bénéficient d’une desserte sont sensibles à l’avantage que cela apporte, y compris au travers des emplois maintenus localement par l’activité de maintenance du réseau et des gares. Pour eux, même quand le service n’est plus très utile, le maintien des moyens dépensés dans leur territoire mérite leur mobilisation pour la préservation de l'activité.

Voici quelques propositions dont les acteurs connaissent la véracité mais qu’ils éviteront de prononcer :

  • L’organisation du travail est inefficace par un manque de polyvalence préservé par “dictionnaire des filières” de la SNCF qui est soumis à un accord d’entreprise.
  • Les règles sur le temps de travail aboutissent à des durées de travail effectif trop faibles.
  • Au moins la moitié des services TER ont un coût exorbitant pour les finances publiques au regard de leur utilité, si on les compare aux efforts consentis dans d'autres secteurs, pour développer des biens publics.
  • Les LGV utiles ont déjà été construites; les lignes Lyon Turin, Toulouse Bordeaux, Marseille Nice … sont des investissements trop coûteux pour les avantages qu’ils procurent.
  • Les investissements moins photogéniques, sur la signalisation, l'alimentation électrique, les plans de voies, qui permettraient d’augmenter la capacité et la robustesse des circulations sont eux rentables.  Pourtant, il ne sont pas réalisé à un rythme suffisant.

Malheureusement, quand on ne peut pas dire les choses, il est difficile d’approfondir leur compréhension et de les améliorer vraiment.

 

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